Repérage amiante avant-travaux : marché porteur ? On vous répond

Porté par la rénovation énergétique et les opérations de réhabilitation notamment, le repérage avant-travaux (RAT) affiche de belles perspectives alors que la transaction/location ralentit.

Le repérage avant-travaux ne connaît pas la crise, et cela devrait durer : seuls 17 % du gisement d’amiante ont été retirés des constructions françaises selon les chiffres de l’Ademe, repris récemment dans l’étude Xerfi sur le marché du désamiantage. Poussée par la rénovation énergétique et les opérations d’aménagement, une vraie dynamique de fond est relevée par tous les professionnels interrogés quand on évoque l’amiante et le plomb dans les bâtiments à rénover. « Il y a une certaine maturité dans le repérage en France. La première réglementation date de 1996, nous avons donc un vrai retour d’expérience. Depuis l’arrêté de 2019, il y a des textes sur les navires, les aéronefs, le génie civil, etc. Tout est passé en revue donc le volume potentiel de ce marché est gigantesque. En 2024, ne pas savoir qu’un RAT est obligatoire, c’est faire preuve de mauvaise foi », affirme Olivier Héaulme, directeur d’Aléa contrôles et de Diagamter. Michel Butti (Maine Entreprise Service), dix ans dans le bâtiment avant de rejoindre le diagnostic puis de se spécialiser dans le repérage, ne peut aussi que constater la bonne santé du secteur : «Le marché est dynamique et va continuer à l’être, il y a des travaux en permanence actuellement, que cela soit pour transformer ou rénover les bâtiments, entretenir les réseaux existants, installer la fibre… particulièrement dans les centres anciens, où le prix du m2 est le plus élevé. Je pense que le futur du diagnostic s’organisera notamment autour de l’avant-travaux. » En plus des obligations réglementaires, c’est aussi l’actualité qui a mis le RAT en lumière : « L’incendie de Notre-Dame a jeté un coup de projecteur sur les polluants dans le bâtiment, le plomb particulièrement. La Cramif et la Carsat sont sur la brèche», indique Antoine Pietrini, AMO et formateur, fondateur d’Assist’Amiante

Un marché exponentiel ?

Acceo a étudié en 2019, le taux de pénétration du marché. Il avait été évalué à 70 ou 80 % du potentiel réel : « Il y a encore une marge de progression importante avec deux marchés prépondérants: celui de la rénovation énergétique évidemment et celui de la gestion des friches industrielles. Dans 20 ans, il y aura encore du travail! », anticipe Maëlig Fremont, directeur métier amiante chez Acceo. Avec 20 opérateurs répartis dans 20 villes françaises, Acceo dispose d’un maillage géographique lui permettant d’intervenir partout mais sans viser les gros marchés (plus de 2 millions d’euros). À l’image d’Aléa contrôles, avec ses 170 opérateurs : «Nous sommes sur des petits marchés, quelques dizaines de milliers d’euros. Les particuliers font de plus en plus appel à nous via les architectes ou Mon Accompagnateur Rénov’ qui savent qu’un RAT est obligatoire, mais comme on part de zéro…» Propos confirmé par Maëlig Fremont : « Actuellement, les copropriétés représentent 50 % de nos devis. » Et quid des collectivités ? «Même si le marché est globalement porteur, on constate un tassement de la demande cette année. Les conseils régionaux et départementaux sont à la peine», estime aussi Stéphane Reyssent, fondateur du réseau Démoldiag.

Les donneurs d’ordre : deux poids, deux mesures

Si « la problématique amiante est désormais connue des donneurs d’ordre, ils n’en maîtrisent pas tous ses subtilités », constate cependant Nicolas Joly (Semiap/Ingis), opérateur de repérage depuis vingt ans qui assure aujourd’hui principalement des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) et de maîtrise d’œuvre. «Certains mènent une vraie politique de gestion de risques, sur les opérations de rénovation énergétique lourdes notamment, d’autres la subissent car ils ne l’anticipent pas, particulièrement sur des travaux de réaménagement ponctuels. Beaucoup de professionnels de la chaîne du bâtiment doivent encore être sensibilisés et informés. » Depuis 2012, certains donneurs d’ordre ont des obligations réglementaires sur la formation SS3 et SS4 et ça a fait « énormément bouger les choses », argumente Olivier Héaulme. D’autant plus que les pouvoirs publics ont mis en place des unités de contrôles pour vérifier les repérages sur chantier. Mais il apparaît que le RAT est encore vu par certains comme une contrainte : «Contrairement au PEMD avec son image “green”, celle du RAT est plus négative car les découvertes de matériaux amiantés vont impacter les coûts du désamiantage. Mais la nécessité de prévenir des risques au sens du Code du travail est intégrée et comprise », ajoute le directeur amiante d’Acceo.

Prestations rémunératrices

Le marché du repérage avant-travaux est plutôt rémunérateur comparé à la transaction/location. «Quand le panier moyen d’un pack de diagnostics avant-vente varie entre 250 et 400 euros, un RAT monte à 1200 euros facilement. Un opérateur améliore ses marges comparé aux diagnostiqueurs », calcule Olivier Héaulme. Tout est beau, tout est rose alors ? « La mission est plus longue et plus complexe : il y a plus de travail en amont (recherche documentaire, visite préalable…), d’échanges avec le donneur d’ordre et beaucoup plus de prélèvements que sur des missions sans mention», relève Benjamin Barrois, formateur Amiante chez Up n’PRO. «Pour une tour de 150 logements sociaux, il peut y avoir entre 200 et 300 prélèvements à effectuer », illustre Anthony Lamour, opérateur de repérage chez Primodiag. Et les alentours sont aussi à prendre en compte. « Je ne m’arrête pas à l’amiante dans le bâtiment. Je sensibilise aussi les donneurs d’ordre sur les enrobés en intérieur de parcelle : cours, parkings… Avec l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques, il y aura de nouvelles analyses à réaliser », explique Michel Butti (Maine Entreprise Service). Une approche qu’applique aussi Anthony Lamour (Primodiag). « On parvient parfois à coupler RAT bâtiment et enrobés du parking puisqu’il est souvent intégré au plan de travaux lors des rénovations lourdes, ou si un aménagement PMR est réalisé. » Le diagnostiqueur breton constate aussi «de plus en plus de demandes de repérage avant-démolition, souvent pour le compte de mairies». Et au-delà de la vente additionnelle, certains RAT voient leur tarif monter dans certains secteurs complexes. «Dans l’industrie par exemple, l’arrêt d’une ligne de production coûte très cher donc elle doit l’être le moins longtemps possible », souligne Antoine Pietrini (Assist’Amiante). Selon lui, le client est peu soucieux du tarif facturé, il y a peu de négociation. « La qualité technique du rapport, qui va lui épargner les mauvaises surprises, prime. »

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